Folio Gallimard 2006
"En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce
n'est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme
discret ; grâce à Dieu, je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes
anciens collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification, car je
n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien
ma vie comme ça. Je ne regrette rien: j'ai fait mon travail, voilà tout;
quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi,
elles ne concernent que moi ; et pour le reste, vers la fin, j'ai sans
doute forcé la limite, mais là je n'étais plus tout à fait moi-même, je
vacillais, le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la
tête, reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je
suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la
vie humaine sont l'air, le manger, le boire et l'excrétion, et la
recherche de la vérité. Le reste est facultatif."
Je copie ici le commentaire d'une lectrice de Babelio, Gwen 21, posté en 2012 que je partage complètement.
Ecrire la critique des "Bienveillantes", voilà une tâche malaisée. Déjà,
impossible de le faire à chaud, il m'a fallu attendre quelques heures
afin de laisser retomber la pression.
L'oeuvre est monumentale, 1390
pages pour la collection Folio que j'ai attaquée (le terme est bien
choisi) en mars pour l'achever en juillet, soit 4 mois 1/2 ! Certes,
j'ai peu de temps pour lire et j'ai même mis le livre entre parenthèses
une semaine pour lire une oeuvre plus "légère" (ceux qui l'ont lu
comprendront la double signification de cet adjectif). C'était ma
deuxième tentative, j'avais déjà essayé de le lire en 2008 mais un
déménagement avait interrompu ma lecture, jamais reprise. Et puis, le
bouquin était sur ma bibliothèque et de par son épaisseur tranchait dans
le linéaire, semblant me narguer, me mettre au défi de... relever le
défi ! Car lire "les Bienveillantes" relève quasi du défi !
Je
mentirais si j'affirmais ne pas avoir été tentée à plusieurs reprises
de balancer cette brique à travers la pièce. Il faut comprendre (et vous
ne le comprenez vraiment qu'à partir du tiers de l'oeuvre) que deux
histoires s'acheminent de concert vers le dénouement : L Histoire (celle
de la Seconde Guerre Mondiale vue du côté des bourreaux) et l'histoire
du Dr Maximilien Aue, juriste enrôlé dans la SS, un homme au parcours
personnel complexe qui pour moi a clairement des allures de névrosé
psychopathe. Ses rapports à sa famille, à son enfance, à son entourage, à
ses partenaires sexuels... aucun ne me semble équilibré hormis son
rapport à son travail. Très professionnel, rigoureux jusqu'à
l'intransigeance, maniaque quoi, le genre de type qui bosse un peu
comme... moi ! Fort heureusement, le seul point commun entre mon travail
et le sien est de trouver des solutions à des problèmes de
fonctionnement interne pour accroître la productivité et fort
heureusement pour moi, la productivité qui me concerne n'a rien en
commun avec l'extermination d'une "race" humaine.
Pour être tout à
fait honnête, celle de ces deux histoires qui m'a le plus intéressée
n'est pas celle avec un petit "h" mais l'autre, la Grande, même s'il
m'est pénible de donner ce qualificatif à cette sombre période.
Pourtant, elle n'est pas si ancienne qu'elle soit déjà entrée dans
l'ombre, et trop traumatisante pour pouvoir être oubliée. Elle ne doit
pas être oubliée.
Mais je m'égare, revenons à l'oeuvre.
L'oeuvre est colossale. Rien qu'en termes de recherches, l'auteur mérite
qu'on lui tire notre chapeau. le style ensuite que j'ai trouvé parfois
pesant mais le plus souvent vif, tranchant, chirurgical, une écriture au
scalpel qui donne un rythme effréné salutaire car n'oublions pas qu'il y
a quand même près de 1400 pages donc mieux vaut un style affirmé qui
donne envie de tourner les pages !
Les points faibles de ce livre
sont, je l'avoue, tous pragmatiques : lourd (à déconseiller aux poignets
graciles et je ne recommande pas la lecture en position allongée),
écrit sur un papier tellement fin que vous avez l'impression de tenir
dans les mains votre stock d'OCB pour 10 ans, souvent impénétrable pour
qui, comme moi, n'a jamais étudié l'allemand (oui, je me suis vite
lassée d'avoir à me référer tous les deux paragraphes au glossaire en
fin de pavé pour comprendre les différentes abréviations (inévitables
quand il s'agit de nommer les services administratifs allemands!) et la
correspondance des grades entre la SS, les fonctionnaires et l'armée).
Sinon,
passés ces désagréments qui bien que réels ne doivent pas décourager le
lecteur, le fond ne peut laisser indifférent. J'ai été emportée, et
bien souvent malgré moi, dans une fascination glauque pour la narration
du Dr Aue, aimantée par les descriptions d'atrocités qui couvrent des
dizaines et des dizaines de pages, voulant à toute force comprendre,
percer le mystère, aller au fond de cette mentalité, comprendre comment,
par conviction politico-économique, par médiocrité, par pauvreté
matérielle et intellectuelle, par endoctrinement, par vice ou par
idéalisme, des millions d'hommes et de femmes en étaient arrivés là :
croire qu'en exterminant les "ennemis du peuple", en "rayant de la
carte" les "improductifs" et les Juifs, ils bâtiraient un monde
meilleur, idéal, idyllique, base d'un système politique garant de la
prospérité d'un peuple entier.
En refermant "les Bienveillantes"
(et j'ai été particulièrement heureuse, en lisant la scène finale,
d'être allée jusqu'au bout!), j'ai ressenti un trouble, une chute dans
le néant, un malaise et, l'espace de quelques instants, l'impression
d'avoir touché du doigt une vérité (l'une de celles qui composent L Histoire)
que je n'ai ressenti pour aucune oeuvre auparavant. le dénouement tant
attendu de ces deux histoires parallèles qui m'ont accompagnée dans ma
lecture pendant presque 5 mois a été comme un éblouissement de toute
l'oeuvre.
A lire dans son existence.
La prima volta l'ho letto 7 annifa, e mi aveva preso come una colla di quelle di adesso, che non te ne stacchi più. Mi era piaciuto molto, anche se anch'io ero più preso dalla storia con la H maiuscola che quella particolare e complessata del Dr. Aue e dell'amore per sua sorella.
A distanza di anni ho voluto chiudere le letture del 2015 riprendendo in mano lo stesso malloppo, che nel frattempo avevo prestato a qualcuno e ovviamente ho dovuto ricomprarlo. Le stesse sensazioni ed emozioni di prima. In un mese di tempo, rpofittando dei viaggi andata e ritorno in treno, e poi del tempo libero nel week-end, l'ho letto senza interruzioni. Concordo con Gwen, un libro da leggere nella propria vita. Ovviamente sarà nella Top dell'anno.
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