Les puissances
occidentales et les institutions internationales de financement se sont en
effet immiscées dans les élections en vue d’en contrôler les moindres rouages,
ainsi que la nature de la société civile. Celle-ci doit être « apolitique »et
leur prêter main-forte dans la défense de leurs intérêts économiques et
financiers en s’impliquant dans la « lutte contre la pauvreté »et la « bonne
gouvernance ». L’arme du financement, qui fonctionne pour les dirigeants,
est, en d’autres termes, tout aussi redoutable au niveau de cette société
civile, qu’elle réduit à l’impuissance. Car, sans l’argent des bailleurs de
fonds, point de moyens de fonctionnement pour la plupart des associations et
des ONG, point de projets de développement ni de présence sur le terrain auprès
des populations. De telle sorte que les rôles s’en trouvent inversées : au
lieu d’influencer et de discipliner les acteurs politiques et institutionnels,
les acteurs de la société civile sont contrôlés et la plupart du temps sous l’influence
des partis politiques, des ministères techniques et surtout des organismes
bilatéraux et multilatéraux de financement.
Cette réalité n’est
du reste pas spécifique aux pays du Sud. Le développement d’un espace mondial d’action
et de financement de projets associatifs a entrainé la prolifération de fausses
ONG ; des « gongos » soutenues par les Etats (g pour gouvernement) ; des « mongos »
poursuivant des buts lucratifs, voire mafieux (m pour mafia) ; des « fongos » soutenues par des
financements étrangers (f pour foreign, « étranger »). Il
convient d’y ajouter les « pongos »(p pour partis politiques), qui ont pour rôle de capter et de
canaliser les projets vers des réalisations qui seront autant des butins à
brandir et à revendiquer lors des élections – quand une partie du financement
ne passe pas dans les caisses, souvent vides, des partis eux-mêmes.
Aminata Traoré, L’Afrique
Humiliée
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