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mercoledì 19 giugno 2024

2024 L24: Cristina Cassar Scalia - Il re del gelato

 


Einaudi, 2023

Arrivata da poco a Catania, Vanina sta facendo conoscenza con la città quando le piomba addosso un caso delicato, di quelli che richiederebbero anche un po' di tatto. Non proprio la sua dote principale.

=

Una storia semplice di Vanina ma che a me piace.

martedì 18 giugno 2024

La pantera è morta: il vuoto davanti


 La pantera, soprannome che le aveva dato il caro amico Marcel Mazoyer quasi quaranta anni fa, se n’è andata. In un tempo velocissimo, pochi mesi, mentre noi tutti eravamo lì a sperare che riuscissero a darle qualche anno di vita. Almeno non ha sofferto, ed è l’unica cosa positiva che mi resta. Lei non c’è più, per me c’è il vuoto davanti.

 

Difficile anche solo scriverne. Ne approfitto adesso che sono qui con mia figlia e la sua famiglia, in una bella giornata di sole e che il mio umore è migliore di com’era ieri. Alterno momenti nerissimi, dove nulla mi sembra abbia più senso, ad altri dove penso che, giorno dopo giorno, bisogna imparare a vivere con questa sofferenza e questa mancanza.

 

Penso a lei e ai quasi quaranta anni passati assieme e lo sconforto mi prende. Se sono diventato quello che sono, molto è dipeso da lei. Spero di esserle stato altrettanto importante, di aver contribuito a che la sua vita sia stata bella, come lei stessa ha detto a tutte e tutti quelle/i che l’hanno sentita in questi ultimi mesi. Non posso ancora guardare indietro con serenità, è come affacciarsi in un abisso di tristezza, non riesco ad avere un distacco che mi permetta di pensare alle tante cose belle, nostre, che abbiamo vissuto, senza farmi prendere da un nodo alla gola.

 

Mi fermo qui, riparlerò di lei quando sarò capace di farlo. Intanto spero che gli alberi che abbiamo piantato per ricordarti continuino a crescere, cara Christiane o, meglio, cara Ma Chérie, oppure Mon Choux come ti chiamavo da anni. Sei nell’anima, cantava quella toscanaccia che a te piaceva tanto; ecco, adesso te lo scrivo: sei nella mia anima. Per sempre!

lunedì 17 giugno 2024

INDICATEUR DE PARITÉ DOMESTIQUE (IPAD)

INDICATEUR DE PARITÉ DOMESTIQUE (IPAD)

 

Brouillon – à ne pas circuler

 

Groupe de travail IPAD[1]

 

Introduction

 

Lorsque nous parlons d'inégalités ou de disparités entre les sexes, nous faisons souvent référence à certaines données clés telles que l'écart salarial entre les hommes et les femmes, ou la participation des femmes au marché du travail, ou encore le nombre de féminicides ou de viols subis. Les inégalités entre les sexes sont mesurées dans les domaines où elles sont les plus évidentes et au moyen de données les plus facilement collectées et disponibles. Néanmoins, il est indéniable qu’au fil du temps, on a reconnu que l’inégalité entre les sexes affecte les individus dans tous les aspects de leur vie en limitant leurs choix, leurs droits et leurs opportunités. À tel point que parmi les objectifs de l'objectif de développement durable (ODD) 5 de l'ONU, il y a des objectifs tels que 5.4 - Reconnaître et valoriser les soins et le travail domestique non rémunérés, en fournissant un service public, des infrastructures et des politiques de protection sociale et en promouvant le partage des responsabilités au sein des familles, en conformément aux normes nationales.[2]

 

Les questions liées à l'égalité dont on parle le plus souvent, comme l'égalité professionnelle ou les violences de genre, sont le résultat d'une valeur différenciée que la société accorde ou a donnée aux hommes et aux femmes. Comme le diraient Françoise Héritier-Augé et Pascale Molinier, féministes françaises de renom, on parle d'une valeur différentielle des femmes et des hommes : « toutes les caractéristiques généralement associées aux hommes, comme la force, la virilité, l'insouciance, sont valorisées par la société. Des caractéristiques telles que la gentillesse, la douceur, sont généralement considérées comme féminines et dévalorisées. »[3]
 
Il faut dire aussi que les indicateurs qui mesurent l’égalité sont aussi le reflet de la façon dont nos sociétés attribuent de la valeur aux activités. Certaines avancées ont été réalisées pour renforcer le rôle et la contribution fondamentale des femmes dans des domaines traditionnellement considérés comme extérieurs à l'économie monétisée et en tant que tels invisibles et dévalorisés, comme le domaine domestique (par exemple dans les indicateurs de l'ODD5 - cible 4 en particulier[4]), mais les pays sont réticents et lents à collecter des données, de sorte que les preuves font défaut.

 

L'attribution automatique aux hommes et aux femmes de qualités considérées comme intrinsèquement « masculines » ou « féminines » est étroitement liée à un jugement de valeur qui avilit ou ne reconnaît pas le « féminin ». Cette valeur différentielle des sexes a également des implications sur la division du travail domestique entre hommes et femmes (que de nombreuses féministes italiennes et françaises préfèrent appeler travail non rémunéré ou travail reproductif).
 
Carole Pateman, féministe et théoricienne politique anglaise, citée par Diana Sartori[5], est allée jusqu'à déclarer : « La dichotomie entre le privé et le public est au cœur de près de deux siècles d'écrits féministes et de lutte politique ; c’est, en fin de compte, la raison d’être du mouvement féministe. »
 
Peu de données sont disponibles pour l'Italie, hormis une enquête Indesit[6], selon laquelle 79 % des Italiennes déclarent qu'elles planifient habituellement la plupart des tâches ménagères et 76 % déclarent qu'elles effectuent également la plupart des travaux. Ensuite, avec la pandémie de la Covid 19, la situation s’est encore aggravée[7]. En France, l'Observatoire des inégalités constate qu'aucun progrès n'a été enregistré dans le partage des tâches domestiques et familiales[8]. Les dernières données en France datent de 2010 et selon l'enquête temps partagé (Enquête Emploi du temps, Insee, 2010), 72 % des femmes assuraient des tâches domestiques (garde d'enfants, cuisine, ménage, lessive et presse). En Espagne, selon l'institut des statistiques, seulement la moitié des familles répartissent les tâches ménagères de manière égale. Dans 46 % des cas, ce sont les femmes qui en font le plus contre seulement 4 % des hommes[9]. À l’échelle mondiale, les enquêtes sur l’utilisation du temps révèlent l’existence d’importantes différences entre les deux sexes en ce qui concerne le temps consacré aux tâches ménagères et aux soins, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire ou faible. En moyenne, les femmes consacrent 4,2 heures par jour au travail domestique et aux soins non rémunérés, contre 1,9 heure pour les hommes.

 

La récente pandémie de la Covid 19 a également accru la charge de travail des femmes en matière de soins. Les multiples responsabilités de soins des femmes, combinées aux interruptions de services et aux fermetures d'écoles, ont augmenté les tâches domestiques non rémunérées des femmes, le ratio entre la charge de soins des femmes et celle des hommes étant passé de 1,8 en mars 2020 à 2,4 en septembre 2021[10].
 
Les inégalités entre les sexes dans le travail domestique et de soins non rémunéré, constatées partout dans le monde, bien qu'avec des variations entre les pays d'une même région, ont tendance à être plus importantes dans les zones rurales que dans les zones urbaines et lorsque le temps consacré aux soins est considéré comme une activité secondaire : dans un échantillon de cinq pays et dans des contextes majoritairement ruraux, les femmes ont consacré en moyenne 7,0 heures aux soins et au travail domestique non rémunéré, contre une moyenne de 1,4 heure pour les hommes[11].

 

Concernant l'écart « cognitif », l'étude menée par Weeks Catalano (2022) rapporte que les femmes déclarent être responsables de 70 % des travaux ménagers cognitifs, tandis que les hommes en sont responsables de 30 %[12].
 
En matière de développement intellectuel (et de diversité des conceptions), notamment en ce qui concerne la sphère publique, de nombreux progrès ont été réalisés. Nous souscrivons également à ce qu'écrivait Sartori : « le concept habermassien de sphère publique doit être corrigé dans le sens de concevoir l'existence non pas d'une seule sphère idéalisée, mais plutôt d'une pluralité de sphères publiques : « l'idée d'une société égalitaire et n’a de sens que si l’on suppose une pluralité d’espaces publics auxquels participent des groupes ayant des valeurs et des rhétoriques différentes. Par définition, une telle société doit contenir une multiplicité de publics. » Autrement dit, comme l'écrit l'auteur, nous allons vers une « pluralisation de la conception du public », une conception qui va dans le même sens que ce que nous avons promu avec l'approche territoriale négociée[13]. Pas une identité unique, mais un ensemble de versions possibles résultant des négociations continues des acteurs et actrices, où cependant une intervention corrective des asymétries de pouvoir existantes est essentielle.

 

En ce qui concerne la réflexion sur la sphère domestique, il convient de rappeler la publication fondamentale de Mariarosa Dalla Costa (et la contribution de Selma James)[14] où, pour la première fois, a été placée la centralité de ce qui se passe dans la sphère domestique, une place fondamentale pour la reproduction de la main d'œuvre nécessaire au système capitaliste, le tout traduit dans les mots de l'époque, à savoir « travail non rémunéré ».
 
Les intellectuels « révolutionnaires » de l'époque n'ont jamais accordé beaucoup d'importance à ce thème, marginalisant les œuvres de Dalla Costa au point de définir les thèmes féministes comme des « contradictions secondaires du capitalisme » : « [...] les partis de masse et les groupes extraparlementaires ont considérablement réprimé l'intérêt des femmes à lutter contre leur propre exploitation alors qu'ils ont toujours privilégié les intérêts essentiellement masculins. L'exploitation des femmes et leur place dans le cycle de production n'ont jamais été abordées dans le débat politique et n'ont suscité aucun effort d'organisation de la part des différentes gauches".[15]

 

En fait, même l'ensemble des organisations politiques traditionnelles a toujours considéré cet espace comme « un lieu de retard politique »[16], pour ne pas se rendre compte, sinon avec un retard coupable, qu'il est devenu le cœur battant au niveau social et politique du système capitaliste tout entier, comme l’explique bien Leopoldina Fortunati dans l’article cité ci-dessus. Cela contraste avec ce que prônent les féministes actives dans le domaine de l’économie politique, qui ont toujours soutenu l’importance de déchiffrer et de comprendre « les relations systémiques entre les structures nationales, économiques et politiques »[17]. Pearson et Elson, économistes féministes de renom, critiquent vivement la séparation entre le monde de la « production » et celui de la reproduction, invisible et en tant que tel facilement exploitable par l'État[18][19]. Il suffit de penser à quel point le travail des femmes compense le manque de services de garde d'enfants et de soins aux personnes âgées.
 
C'est pour cette raison que nous souscrivons également à la réflexion de Fortunati : « Il est important [...] que chacun, femmes et hommes, se rende compte que, si le nœud de la sphère de la reproduction et de la condition de la femme n'est pas résolu, en termes de reconnaissance de la valeur qui est produite ici [...], cette sphère continuera à fonctionner comme une épine dans le pied de tous les travailleurs, dans un jeu pervers vers le bas ». Une synthèse efficace est proposée par Srishti Khare : « C'est grâce au temps que les femmes consacrent à leur foyer sous forme de travail non rémunéré et non reconnu, que les hommes sont productifs dans l'économie ».[20]

 

Malgré les nombreuses luttes et les nouvelles initiatives nées ces dernières années, liées à cette problématique, nous pensons que l'on peut affirmer qu'« il n'y a pas de paix dans le domaine de la reproduction, car persiste une division inégale des tâches ménagères et des soins entre hommes et femmes », quoique d'une manière plus modérée que par le passé.[21]
 
C'est pourquoi nous avons tenté d'approfondir cette réflexion, en partant d'un angle autre que celui strictement lié au travail et à sa rémunération ainsi qu'à l'attribution ou non d'une valeur économique, avec une première référence au monde agricole, central dans les activités professionnelles de certains des auteur(e)s. Revenant à ce que disent depuis des années les travailleuses agricoles de l'Unión de Trabajadores de la Tierra, un syndicat agricole argentin, à savoir que les hommes doivent assumer leur part des tâches dans la sphère domestique[22] ; le point central devient donc le temps et sa répartition entre toute une série de tâches qui doivent être accomplies pour maintenir l'unité d'un couple/famille, quel que soit son type. S'occuper des enfants et des parents âgés, nettoyer les toilettes, faire la vaisselle et tout ce qui va avec, non seulement dans le monde du « faire » mais aussi dans celui de « la mémorisation, la planification et le suivi », sont des tâches que, historiquement, les femmes ont été obligées d'accomplir, assumer et auxquels, depuis quelque temps, elles tentent d'échapper ou du moins de mieux reconnaître et diffuser. Par ailleurs, comme le rappelle l'écologiste politique Ana Agostino, la revalorisation du travail de « care » comme « conscience attentive des autres (et de soi) » permettrait de « penser à des options dans lesquelles l'argent n'a plus de rôle central »[23].

 

Sortir de ce piège n’est pas facile, car c’est là le fondement du pouvoir patriarcal, pour lequel l’homme s’oppose historiquement (ou, au mieux, regarde ailleurs) aux luttes émancipatrices. Ce mode d'« externalisation au sens néoclassique du travail (des femmes) en dehors de la production de valeur » permet de renforcer l'idée de l'infériorité des femmes et de leur contribution, comme le souligne Diane Elson[24], et de justifier leur soumission et leur oppression. Au fil du temps, les forces qui se définissent comme « progressistes », poussées par les mouvements féministes internes et externes, ont été contraintes de commencer à faire face à cette réalité, mais aujourd'hui encore, ce qui domine est une rhétorique de l'égalité, qui ne trouve pas suffisamment de confirmation dans les faits concrets, actions, en particulier là où se situe le nœud du problème : la sphère domestique.
 
Les solutions ont été cherchées ailleurs, via d'énormes processus de simplification, de standardisation, d'automatisation au sein de la maison ainsi que d'externalisation des tâches ménagères, tant sur le plan matériel qu'immatériel : éducation, affection, divertissement, communication et information. Comme le rappelle bien Leopoldina Fortunati dans l'article ci-dessus, « la centralité de la sphère domestique est également démontrée par le fait que l'État et les familles doivent consacrer des investissements de plus en plus importants pour remplacer le travail domestique qui n'est plus effectué par les femmes au sein des familles, également en raison de leur présence croissante sur le marché du travail. D’une part, l’État doit consacrer la majorité de son budget à compléter les niveaux de reproduction sociale de la main-d’œuvre au niveau de l’éducation, des soins de santé et de la retraite. D'un autre côté, les familles sont obligées de faire appel aux femmes migrantes pour une part considérable des travaux domestiques et des soins aux enfants, aux personnes âgées, aux malades et aux personnes en situation de handicap.

 

Pour approfondir la question de l’externalisation du travail domestique et son lien avec les migrations et le capitalisme récent, on peut lire Demazière, Araujo Guimarães et Hirata[25], ou encore Christelle Avril et Marie Cartier[26].
 
En simplifiant, on peut dire que le temps, de nos jours, devient plus important que l’argent. La notion de « pauvreté de temps » (due à la répartition inégale des tâches domestiques) commence à apparaître dans le débat international[27].
 
Comme Srishti Khare nous le rappelle, « le temps est l’une des ressources les plus précieuses, mais il est aussi profondément politique. Les conceptions du temps intègrent des hiérarchies de pouvoir, qui déterminent combien de temps doit être accordé à qui, qui en obtient le contrôle et les bases de sa répartition »[28].
 
Un récent article paru sur le site LaVoce.info explique en détail combien le temps est désormais une ressource rare : « 200 pour cent : c'est le pourcentage de temps supplémentaire, par rapport à leur partenaire, qu'en 2014 les femmes italiennes ayant un emploi permanent à temps plein et au moins un enfant de moins de 14 ans ont consacré au travail domestique un jour de semaine"[29]. Et plus loin : « En Italie, une femme qui travaille à temps plein et a des enfants à charge consacre environ 60 heures par semaine à la somme du travail rémunéré, du travail domestique et de la garde des enfants, contre 47 heures pour son partenaire. Cela se traduit par une disparité entre les sexes d’environ 13 heures de « travail total » par semaine, une différence nettement supérieure à la moyenne européenne, qui s’élève à 11 heures.

 

Il est donc essentiel que les hommes consacrent davantage de temps au monde des tâches domestiques. Du temps, pas de l'argent. Mettre du temps des hommes est essentiel pour libérer du temps pour les femmes. L'usage qu'en fera alors le sujet féminin de ce temps « libéré » ne nous concerne pas, il est et doit rester un choix personnel.
 
La question de la répartition inégale des tâches domestiques est également arrivée dans les négociations que mène le Comité pour la sécurité alimentaire (CSA) au vu des Directives volontaires mentionnées ci-dessus[30]. Il est cependant regrettable de constater qu'une fois de plus, la responsabilité principale incombe aux gouvernements, sans que, de la part des forces progressistes (mouvements, associations, partis) qui poussent pour un accord sur ce point, il y ait un engagement égal pour changer ces asymétries de pouvoir également présent en leur sein, malgré tant de rhétorique publique[31].
 
C'est pourquoi nous avons commencé à réfléchir à un indicateur d'égalité domestique comme un outil de suivi, d'encouragement et de plaidoyer pour une véritable égalité des sexes.
 
Le choix que nous proposons n’est pas d’inclure le travail domestique dans le PIB, comme le suggèrent certains travaux en cours. Par exemple, l'Insee (Institut français de la statistique) a tenté de calculer au niveau national le nombre d'heures annuelles consacrées au travail domestique, qui serait une à deux fois supérieur au travail dit productif : entre 42 et 77 milliards d'heures selon les « tâches ménagères » comptabilisées. Si ce nombre d’heures était monétisé, il représenterait entre 19 et 35 % du PIB.

 

La monétisation du travail domestique pourrait avoir un impact sur le rôle des femmes en les encourageant à rester dans la sphère domestique. Si le travail domestique devenait un travail rémunéré, on reconnaîtrait certes que ce temps, effectué majoritairement par les femmes, a une valeur pour la société, mais cela risquerait de confiner les femmes seules entre les murs du foyer. « Puisque vous avez déjà du travail à faire à la maison, pourquoi vouloir un autre travail à l'extérieur ? », « les femmes règnent à la maison », les partisans et les conservateurs utiliseraient cette excuse pour garder le pouvoir politique et économique entre les mains des hommes, en laissant le foyer aux femmes. En outre, le risque serait, une fois de plus, de cimenter une échelle de valeurs qui pénalise le travail des femmes, perpétuant ainsi leur marginalisation.
 
C'est pour cette raison que nous avons décidé de travailler sur un indicateur de suivi, [d'encouragement et de plaidoyer] facile à mettre en pratique, qui puisse contribuer à sensibiliser aux disparités actuelles.

 

À qui s’adresse l’IPAD ?
 
La principale raison d’être d’un indicateur de ce type est de servir d’outil de plaidoyer en faveur d’une plus grande égalité entre les sexes, à partir de la sphère domestique et grâce à un suivi constant.
 
Cet indicateur est conçu pour un public particulier, c'est-à-dire les groupes, associations, mouvements et/ou partis qui expriment publiquement des positions engagées en faveur de l'égalité des sexes. L'IPAD permettra donc de montrer la cohérence entre le discours, la parole et les actions concrètes entreprises en leur sein pour stimuler les personnes participantes (ou sympathisantes) à ces groupes, à entamer (poursuivre, accélérer) un chemin de changement vers un une véritable égalité.
 
L’absence constatée de références à la sphère domestique fait que tous ces engagements publics sont considérés comme se référant uniquement à la sphère publique, partie importante mais moins structurelle des dynamiques de pouvoir de la sphère privée.

 

C’est dans ce dernier cas que les relations de pouvoir patriarcales s’expriment de manière plus subtiles et structurelles, créant ainsi la base matérielle de l’économie capitaliste sous-jacente. Dans la sphère domestique, non seulement le travail est reproduit gratuitement, mais les relations de soumission hommes-femmes sont créées et entretenues, que l'on retrouve également dans la vision dominante de l'homme sur la nature.
 
Il est donc crucial de s’attaquer à cette source pérenne et structurelle du pouvoir patriarcal.
 
Nous proposons un produit conçu pour cette mission. Cependant, pour trouver sa valeur réelle et partagée, il est essentiel que l'interlocuteur avec lequel nous travaillerons (association, mouvement, parti, etc.) soit impliqué et devienne le protagoniste de la construction, de l'utilisation et du suivi ultérieur (notamment concernant le détail des variables à mesurer). Autrement dit, le protagoniste doit se l’approprier.  Pouvoir montrer comment la valeur de l'IPAD s'améliore au fil du temps nous permettra d'argumenter de manière plus crédible les améliorations qui seront stimulées dans la sphère domestique après avoir constaté les asymétries au moment T°. En effet, l'IPAD servira, dans un premier temps (T°) à faire comprendre, avec une représentation numérique, quels sont les véritables rapports de pouvoir au sein des couples/familles et, par conséquent, quels et combien d'efforts doivent être faits pour adapter les discours publics sur la promotion de l’égalité des sexes avec des pratiques internes concrètes.

 

Un risque dont il faut être conscient et qui doit être évité est celui de ne pas considérer les asymétries de pouvoir qui peuvent exister dans les groupes dominants des associations, mouvements, partis avec lesquels nous entendons travailler. La réalité historique est que la composition des comités de direction de ces institutions a tendance à être plus masculine, portant par conséquent un fardeau implicite de patriarcat en raison du poids historique qu'il a eu dans notre formation culturelle. Si cette dimension du pouvoir patriarcal ne nous intéresse pas, ce qui sera fait sera un exercice participatif avec un risque de manipulation. Nous insistons sur l'aspect négociation car les différents porteurs (et, en l'occurrence, porteurs) d'intérêts doivent pouvoir faire entendre leur voix dans le processus de décision.
 
Par conséquent, il ne suffira pas de déléguer le choix final des variables à mesurer à la direction de la contrepartie, mais il faudra accompagner cette démarche par des « facilitateurs » IPAD conscients de ce risque potentiel. Cela ne veut pas dire que, a priori, les dirigeants d'associations, de mouvements, de partis etc. sont des hommes chauvins par définition ; c'est juste que le risque existe et doit au moins être réduit au minimum. Ce premier travail de discussion, préparatoire à la phase de négociation, devient donc important et un temps suffisant doit être envisagé. Plus le degré de concertation de la liste négociée est élevé, plus grandes sont les chances que l'on se rapproche d'une représentation réelle mais surtout partagée de la situation, première impulsion nécessaire pour engager une dynamique d'amélioration.

 

Il faut dire aussi qu’il ne s’agit pas de blâmer le partenaire qui fait moins (ou ne fait rien) malgré tout. Le but du dialogue et de la négociation initiale sert, au contraire, à accroître la prise de conscience explicite du nombre d'activités nécessaires pour maintenir un couple/une famille ensemble, afin que la volonté personnelle des partenaires les moins impliqués augmente, pour les faire passer de la simple conscience à un engagement actif.
 
L'IPAD : comment le calculer
 
Méthode et cadre conceptuel
 
La réflexion que nous proposons dans ce document est évidemment préliminaire et ouverte. Nous souhaitons partager nos hypothèses de travail et les résultats possibles, afin d'en discuter concrètement dans les mois à venir.
 
Lorsque nous décidons de combiner différentes variables en un seul indicateur agrégé, il faut répondre à deux questions : 1) le cadre analytique qui explique comment l'ensemble de variables est révélateur de l'égalité nationale ; et 2) quel poids accorder aux variables individuelles qui composent les domaines thématiques (dimensions).

 

Sur le point 1, il faut tout d’abord se mettre d’accord sur une liste de tâches qui doivent être considérées comme représentatives de l’ensemble de la sphère domestique.
En l’absence d’un cadre de référence analytique universellement reconnu, il nous semble néanmoins nécessaire d’en proposer un qui s’appuie sur ce qui existe déjà dans la littérature. Le fait d’avoir des dimensions agrégatives des tâches (et de qui les accomplit) qui ont lieu dans la sphère domestique permet d’identifier les asymétries de pouvoir. Dans la littérature, il existe au moins quatre exemples que nous pouvons utiliser comme référence analytique. L’une est la composante « temps » de l’indice d’égalité des sexes de l’EIGE[32], une autre est celle proposée par Rodsky (2020)[33] ; il y a ensuite l'indice d'asymétrie développé par l’Institut italien de la statistique (ISTAT)[34] et enfin l'approche proposée par son équivalent français (Insee)[35].
 
Dans l'IPAD nous choisissons de construire à partir de ce qui est proposé par l'Insee, pour des raisons que nous expliquerons plus loin. L'Insee organise son cadre conceptuel sur le travail domestique autour de trois périmètres.
 
Un périmètre étroit qui contient les activités « cœur de métier » du travail domestique, qui font l'objet de consensus et dont l'inclusion est rarement évoquée : travaux ménagers, travaux d'entretien, vaisselle, lessive, repassage, courses, cuisine, soins et assistance aux enfants et aux personnes non-autonomes. Toutes ces tâches peuvent être déléguées et il existe des substituts de marché : blanchisseries, pressings, restaurants, puéricultrices, aides aux devoirs, chauffeurs, secrétaires particulières (conciergies).

 

Un périmètre intermédiaire : à cette première liste d'activités productives et « délégables », on ajoute celles que l'on est plus enclin à réaliser juste pour le plaisir et qui durent donc plus longtemps que le strict nécessaire. Cette deuxième liste comprend des activités de semi-loisirs : couture, bricolage, jardinage, chasse et pêche. Selon l'Insee, cette deuxième liste inclut également les dépenses car il n'est pas possible de distinguer les dépenses quotidiennes des courses dans leur enquête.
 
Un périmètre élargi : aux deux premiers s’ajoutent les temps de trajet, les déplacements en voiture et la promenade du chien.
 
Nous pensons qu'il faut partir de ce qui est proposé par l'Insee car il nous semble être le cadre conceptuel le plus polyvalent et le plus neutre. L'utilisation de périmètres, au lieu d'autres catégorisations par activité, nous permet d'inclure automatiquement les différences culturelles et la disponibilité économique. En fait, nous n'avons pas de catégories qui peuvent être importantes dans un contexte et moins dans un autre, mais nous mesurons les activités réalisées en fonction de leur proximité avec la cellule familiale et de leur vitalité en vue d'une issue heureuse de la vie domestique.
 
Au cadre proposé par l'Insee, nous ajoutons un aspect que nous considérons comme fondamental et qui découle du travail de Weeks, le « déficit cognitif de travail des ménages » (en référence aux dimensions d'anticipation des besoins, d'identification des options pour les combler, de prise de décision et de suivi des progrès)[36] qui se traduit par une charge mentale qu'il faut inclure dans une réflexion dont l'ambition est de mesurer la charge de la gestion de la famille[37]. En effet, comme nous l'avons brièvement mentionné précédemment, ce ne sont pas seulement des choses « à faire » : beaucoup d'entre elles doivent aussi être « pensées » à l'avance, « mémorisées » sans que l'autre personne ait besoin de le signaler, « planifiées » et surveillés » en permanence. Dans le travail d'Ana Catalano Weeks, le concept de charge mentale est expliqué et mesuré. Tout en nous référant à ses textes pour une lecture approfondie, il suffit de mentionner ici que dans les périmètres issus de l'expérience de l'Insee nous adopterons certains éléments de ces travaux.

 

 

 

 

Pour chaque périmètre, des dimensions initiales (domaines thématiques) seront proposées, qui seront suivies de variables spécifiques (exemple : dimension : Travaux ménagers ; Variables : Cuisine, Ménage, Lessive...). Passant aux activités spécifiques relatives aux détails de chaque variable (voir la partie rouge dans le schéma précédent), celles-ci seront discutées et négociées avec la contrepartie.
 
Reprenons l'exemple indiqué dans le schéma précédent. Dans la dimension « Travaux ménagers » du périmètre restreint, on prend la variable « Blanchisserie » : la version simplifiée peut être : qui s'en occupe ? Cependant, si l'on regarde plus précisément, en restant toujours dans le périmètre restreint, il y a une première activité qui consiste à ramasser et à mettre le linge sale dans le panier à linge, puis à amener le panier à la machine à laver, à y mettre le linge, à séparer les séparez les colorés des blancs pour éviter les erreurs de blanchiment et démarrer le bon programme. Une fois le lavage en machine terminé, qui s'occupe de faire sécher le linge à l'air libre ? Pour conclure : une fois disposés, qui les plie puis les repasse et enfin les remet à leur place dans les différentes armoires ou tiroirs ? Si l'on passe ensuite à un champ plus large, il faudra inclure le déficit cognitif, afin que d'autres questions spécifiques soient considérées : anticiper les besoins (rappelez-vous que les vêtements propres et repassés doivent être prêts avant de pouvoir s'habiller pour l'école ou le travail), identifier les options pour les satisfaire (les amener à la laverie, les laver à la main ou en machine ?), prendre les décisions correspondantes (a-t-on pensé à acheter la lessive et l'adoucissant ?) et enfin suivre l'évolution.

 

C'est pourquoi le moment de négociation avec les représentant/es de l'institution avec laquelle nous allons travailler devient fondamental. De la liste des activités (questions) qui seront insérées (ou exclues), émergera un indicateur plus ou moins représentatif et donc utile.
Il nous semble utile (nécessaire ?) de rappeler comment les activités (et les questions) à examiner varieront en fonction des spécificités de l'institution homologue. Si la contrepartie est un mouvement paysan (peut-être du sud du monde), il faudra faire de la place pour des activités telles que la corvée d'eau, la collecte de bois et/ou de baies, de miel ou toute autre chose dans la forêt. Cela semble évident, mais le caractère co-constructif de l’IPAD prend tout son sens dans ce processus de dialogue et de négociation. L'adaptation du questionnaire aux spécificités locales et culturelles et sociologiques le rend plus adapté à diverses situations et acceptable pour la contrepartie, évidemment au détriment de la comparabilité spatiale générique.
 
Poids des actifs
 
Pour évaluer comment varie la performance des activités dans un couple, nous avons trois possibilités :
a) nous attribuons le même poids ou la même valeur à chaque activité (donc celle/celui qui, au sein du couple, réalise cette activité notera 1)[38]
b) les mesurer en termes de temps nécessaire pour effectuer les tâches qui leur sont associées, ou
c) les mesurer en fonction de leur valeur monétaire.

 

La solution a) est la plus simple, mais elle implique l’omission d’importantes différences entre les différents indicateurs ; si, d'une part, s'occuper du côté émotionnel d'un enfant peut impliquer une énorme perte de temps et d'énergie, cela n'implique pas de coût monétaire direct (mais cela en implique un en termes de coût d'opportunité pour le parent qui choisit de rester avec l'enfant au lieu d'être au travail ou de faire autre chose). Un autre avantage indéniable est qu'il supprime toute subjectivité dans les choix des partenaires (en accordant un poids différent à une tâche par rapport à une autre, un élément externe de subjectivité est introduit de la part de l'enquêteur/se). Toutes les tâches (à partir d'une liste discutée et convenue) doivent être exécutées ; ce qui peut changer, c'est la fréquence considérée comme nécessaire, qui n'a plus d'importance lorsque vous choisissez de mesurer le fait d'avoir accompli cette tâche et non le temps qui y a été consacré.
 
La solution b) est idéale pour considérer combien de temps il reste aux parents pour faire autre chose (loisirs ou travail) ; et c'est la solution adoptée par exemple par ISTAT dans l'indice d'asymétrie ; en même temps, cela se fait au prix de ne pas considérer l'effort financier nécessaire pour permettre une certaine activité (si un parent peut se permettre de rester avec les enfants, c'est parce que l'autre gagne suffisamment pour subvenir aux besoins de toute la famille ; ou une certaine activité récréative pour les enfants n’est possible que si vous disposez de ressources financières suffisantes pour acheter ce service).
 
Le plus gros problème de cette solution est qu'elle introduit subrepticement un élément de différenciation (je suis plus rapide que toi parce que tu ne sais pas comment faire ; ou au contraire : je mets plus de temps car je nettoie plus en profondeur que toi). De cette manière, adopter cette voie ne conduit pas à une « solution » mais rend le problème insoluble.

 

La solution c) plairait certainement aux partisans du néolibéralisme, pour qui tout se mesure en termes monétaires, revenant ainsi au vieux débat sur le salaire des ménages. Nous l'avons indiqué pour une question de transparence, mais il est clair que ce n'est pas la voie qui peut conduire à l'égalité. Le fait que certaines tâches puissent être externalisées (par exemple la prise en charge des personnes âgées dans les maisons de retraite) introduit un élément de différenciation (de classe, selon la terminologie marxiste) : celui/celle qui a de l'argent paie et celui/celle qui n'en a pas doit résoudre le problème au sein de la famille. Mais la raison ultime qui nous pousse à éliminer cette « solution » est qu’elle risque en réalité de figer les rôles sociaux asymétriques tels qu’ils sont. En nous référant au groupe Lotta Femminista, qui a soulevé ce débat pour la première fois au début des années 70, sur la base des réflexions de Mariarosa Dalla Costa, nous répétons avec eux : « nous voulons éviter que, à travers cette demande, le rôle de femme au foyer soit institutionnalisé. C'est précisément pour cela que les militants refusent et nous invitent à refuser [...] le travail domestique comme travail féminin, comme travail imposé, que les femmes n'ont jamais inventé"[39].
 
Le chemin vers l'égalité vers lequel nous voulons nous diriger passe par la libération du temps des femmes (en les laissant libres de décider comment l'utiliser) et par l'utilisation accrue du temps des hommes pour partager les tâches de la sphère domestique.
 
Notre choix, basé sur ce qui a été énoncé précédemment, est d'accorder le même poids à toutes les activités de la liste. Par conséquent, procéder à une somme des activités, sans faire de distinction entre des activités plus ou moins coûteuses, plus ou moins fatigantes, plus ou moins longues dans le temps. Trop de paramètres socioculturels subjectifs pourraient influencer d'éventuels paramètres financiers ou temporels pour s'adonner à ces autres choix (exemple : je mets plus de temps à laver la salle de bain car je le fais avec plus de soin et mieux que vous !)....

 

A partir d'une liste indicative qui, nous le répétons, sera complétée par une première négociation entre les parties (tant en ce qui concerne les tâches spécifiques de chaque périmètre que le poids à accorder aux différents périmètres), nous disposons d'un total de valeur - 1 s’ils sont réalisés uniquement par le partenaire A ; -0,5 s'ils sont réalisés principalement par le partenaire A ; 0 si elles sont réalisées de manière équilibrée par les deux partenaires A et B ; +0,5 s'ils sont réalisés principalement par le partenaire B ; +1 s'ils sont réalisés uniquement par le partenaire B.
 
Pour les entretiens, nous utiliserons un échantillon statistiquement représentatif de la population étudiée. Une fiche introductive - anonyme - permettra d'enregistrer les éléments caractérisant le partenaire qui répond).
 
Notre indicateur aura donc trois extrêmes possibles :
 
IPAD = 0 paire parfaitement équilibrée
IPAD= valeur négative maximale (couple où toutes les activités sont réalisées uniquement par la composante/partenaire A)
IPAD= valeur positive maximale (couple où toutes les activités sont réalisées uniquement par la composante/partenaire B)
 
 

 

Seulement Partenaire A

Principalement A

Ensemble

Principalement B

Seulement Partenaire B

-1

-0.5

0

+0.5

+1

 

 

Il est important de rappeler que ce que l’on souhaite observer avec cet indicateur, c’est la tendance d’un instant T à un instant T+1 (et suivant). Ce n’est donc pas tant la valeur absolue qui importe, mais plutôt si les activités allant vers une plus grande égalité domestique sont promues (par le couple ou par les dirigeant/es de l’organisation, du parti ou du mouvement) pendant l’intervalle d’observation. En ce sens, même la comparabilité entre différents groupes est moins importante que l’évolution de l’indicateur lui-même, qui devient donc un outil de plaidoyer politique.
 
Si certaines activités sont déléguées à des tiers (nettoyeurs, baby-sitters, etc.), ces derniers seront retirés du calcul final (voir ci-dessous).
 
Les Hypothèses
 
Les hypothèses qui sous-tendent cet indicateur dépendent du type de couple/famille et de leur statut social. L’un des aspects intéressants de cet indicateur est sa capacité à mettre en lumière l’hétérogénéité des équilibres domestiques au sein des couples/famille ; nous aurons également alors la possibilité de prendre en considération la possibilité ou non d'avoir une aide extérieure pour réaliser les activités de la liste.
 
La première hypothèse consiste à dire que dans les couples homosexuels (deux hommes ou deux femmes), l'écart est plus faible que dans les couples hétérosexuels. Cette hypothèse est liée au moindre impact des stéréotypes de genre dans les couples homosexuels et également à la moindre présence d'enfants (liée à la plus grande difficulté à procréer ou à adopter dans certains pays) ....

 

La deuxième hypothèse est que dans les couples ayant plus d’un enfant, les disparités au sein du couple s’accentuent. Selon les données de l'Insee sur le temps partiel en France, on constate la corrélation entre le nombre d'enfants et leur âge et la part des femmes et des hommes travaillant à temps partiel.
 
Selon les données publiées en 2019, plus le nombre d’enfants augmente, plus les femmes ont un contrat à temps partiel. Le contraire se produit pour les hommes. On pourrait en déduire que le choix du temps partiel est lié aux activités domestiques et à la garde des enfants. Concrètement, nous proposons d'introduire une première question aux deux partenaires pour connaître le nombre d'enfants à charge (qui peuvent être leurs enfants, ou les enfants issus d'une relation antérieure). Lors de l'analyse des résultats, il sera ainsi possible d'approfondir l'importance de cette variable dans la répartition des tâches.
 
La troisième hypothèse consiste à considérer que les familles les plus aisées externalisent davantage certaines activités domestiques (ménage, cuisine, une partie de la garde des enfants, etc.). Cependant, l'externalisation des soins a un impact non seulement sur les inégalités de genre (car les personnes qui font le ménage ou le baby-sitting sont majoritairement des femmes), mais aussi sur les inégalités de « race » et de classe sociale car elles sont généralement immigrées et femmes précaires.
 
Pour analyser l'effet « revenu » sur la variation de l'IPAD, on pourrait introduire, dans la première partie du questionnaire, une question relative au revenu net mensuel du couple, avec trois tranches de revenus : de zéro à 2 500 euros ; de 2 501 à 5 000 et au-delà de 5 000.
À son tour, l'effet « externalisation » sera traité en insérant une question spécifique dans la partie socio-démographique du questionnaire (voir note sur le questionnaire ci-joint), demandant également le sexe de la personne qui s'en occupe.

 

Seulement Partenaire A

Principalement A

Ensemble

Principalement B

Seulement Partenaire B

Externalisée

(indiquer sexe) 

-1

-0.5

0

+0.5

+1

XX/XY

 

La quatrième hypothèse concerne une éventuelle présence asymétrique sur le marché du travail (l'une des deux personnes travaille à temps plein et l'autre se consacre entièrement aux tâches domestiques). Plusieurs familles à revenu unique vivent des situations asymétriques qui entraînent souvent des disputes et des tensions.
 
La cinquième hypothèse s'intéresse au cycle de vie d'un couple. Il existe au moins deux interprétations possibles de cette hypothèse ; dans la première nous tenterons de comprendre comment les équilibres domestiques varient dans les couples « jeunes » et « âgés », en les prenant du point de vue de la durée du couple. Dans la deuxième interprétation, nous étudierons les différences qui existent dans les couples jeunes ou adultes en termes d'âge de ceux qui forment les couples. L'idée est de comprendre si les jeunes couples peuvent être plus sensibles et donc plus attentifs à ces dynamiques, afin d'obtenir des éléments précis pour orienter des propositions d'actions ultérieures.

 

Données
 
Dans notre modèle, les données jouent un rôle principal. Nous imaginons cet outil comme un dérivé des différentes méthodologies d'enquête rapide utilisées dans le monde du développement ; et nous voulons également lui donner la flexibilité et la simplicité qui permettent une collecte de données très rapide.
 
Les questionnaires seront appliqués aux deux personnes du couple/famille. Non pas tant pour avoir une vérification individuelle des réponses données, mais pour une plus grande représentativité de l'échantillon. Les questionnaires seront anonymes et se limiteront à indiquer le sexe, la tranche d'âge, le niveau d'éducation de la personne, le nombre d'enfants et le revenu mensuel net du couple/famille.
 
En marge du questionnaire, et pour capter les choix subjectifs, nous poserons une question sur la satisfaction subjective face à l’état des choses. Cette question a le double objectif de comprendre dans quelle mesure les membres du couple sentent que leurs aspirations et leurs idées se reflètent dans la situation actuelle, et également d'évaluer comment cette perception évolue au fil du temps. En effet, il est concevable qu'il y ait des couples où une situation déséquilibrée au détriment de l'un des membres est encore considérée comme satisfaisante par eux. Cela peut se produire en raison d’héritages culturels et sociaux. En ce sens, il serait intéressant d’évaluer l’évolution à moyen/long terme suite aux campagnes de sensibilisation et d’émancipation.

 

Les réponses obtenues dépendent du répondant, c'est-à-dire qu'elles seront vraisemblablement différentes d'un partenaire A à l'autre B. Il faudra donc réfléchir à la manière d'équilibrer les éventuelles distorsions cognitives et psychologiques. Une possibilité, à discuter lors de la prochaine réunion, serait d'attribuer la valeur moyenne des deux réponses à la famille/au couple.
 
La moyenne de l'ensemble des valeurs trouvées va permettre d'établir une valeur de départ à l'instant T°. Un suivi périodique (semestriel, annuel) permettrait donc de tracer la tendance du groupe, de l'association, du mouvement ou du parti politique.
 
L’utilisation de la moyenne est une pratique courante en inférence statistique. Dans le cas de l'IPAD, étant donné qu'il nécessite des interprétations subjectives sur l'utilisation du temps de chacun, le recours à la moyenne répond à deux besoins : purifier les données des biais cognitifs que chacun d'entre nous mettrait dans les réponses ; et donner une idée de la façon dont les couples auxquels nous nous adressons sont alignés et conscients. Dans le premier cas, chacun de nous s'attribue très probablement plus de rôles et d'emplois « domestiques » que ce que notre partenaire reconnaît réellement ; il sera également intéressant de comprendre combien de ces auto-attributions se chevaucheront, c'est-à-dire qu'elles seront auto-attribuées aux deux partenaires. L’autre aspect est plutôt lié à la mesure dans laquelle les individus s’éloignent de la valeur moyenne, c’est-à-dire à l’alignement des partenaires dans la reconnaissance du rôle des autres.

 

Un exemple pratique
 
Considérons qu'à la suite d'une négociation avec la contrepartie, nous nous sommes mis d'accord sur un questionnaire avec 100 activités (questions) dont les réponses (partenaire A) indiquent :
 
-1 : 75 réponses ; -0,5 : 5 réponses ; 0 : 5 réponses ; +0,5 : 10 réponses et +1 : 5 réponses – pas d’externalisation
 
Traduit en pourcentage, cela devient :
-1 : 0,75 ; -0,5 : 0,05 ; 0 : 0,05 ; +0,5 : 0,10 ; +1 : 0,05
 
Calcul IPAD :
(-1)*0,75 + (-0,5)*0,05 + 0*0,05 + (0,5)*0,10 + (1)*0,05 =
 
-0,75 - 0,025 + 0,05 + 0,05 = -0,675 valeur IPAD pour le partenaire A
 
Les réponses du partenaire B sont :
 
-1 : 55 réponses ; -0,5 : 5 réponses ; 0 : 20 réponses ; +0,5 : 10 réponses et +1 : 10 réponses – pas d’externalisation
 
Traduit en pourcentage, cela devient :
-1 : 0,55 ; -0,5 : 0,05 ; 0 : 0,20 ; +0,5 : 0,10 ; +1 : 0,10
 
Calcul IPAD :
(-1)*0,55 + (-0,5)*0,05 + 0*0,20 + (0,5)*0,10 + (1)*0,10 =
 
-0,55 - 0,025 + 0,05 + 0,10 = -0,425 valeur IPAD pour le partenaire B
 
La valeur moyenne de cette paire serait –(0,675 + 0,425)/2= -0,550...

 

Conclusions
 
Comme mentionné précédemment, l'objectif principal d'un indicateur de ce type est de servir d'outil de plaidoyer pour promouvoir une plus grande égalité entre les sexes parmi les institutions intéressées par l'égalité des sexes, en commençant par la sphère nationale et par un suivi constant.
 
Les valeurs calculées dans l'exemple précédent serviront de point de départ à l'instant T°. L'écart par rapport à la valeur moyenne de l'ensemble du groupe permettra d'identifier en priorité le partenaire avec lequel il faut le plus travailler. L'IPAD, à partir des caractéristiques recueillies avec la fiche introductive et avec les différentes dimensions de calcul, permettra également de détailler quelles sont, à un niveau plus précis, les actions à entreprendre (par exemple : périmètre rétréci ou élargi ? Quelle thématique présente la plus grande asymétrie ? Et, au sein de chaque dimension, quelles sont les variables les plus significatives ?. Considérant ensuite la possibilité d'avoir des informations sur la tranche de revenus à laquelle on appartient, une analyse plus approfondie par classe de revenus, etc. sera possible.
 
L'IPAD sera ensuite mesuré plusieurs fois dans le temps, car nous sommes convaincus que le plus intéressant est de voir comment (et si !) l'équilibre évolue dans le temps. Les valeurs initiales à T° prennent donc tout leur sens dans l'analyse temporelle (comment la valeur à T1 et T2 a-t-elle évolué grâce aux actions spécifiques mises en œuvre par les dirigeants de l'association, du mouvement et/ou du parti ?) plutôt qu’en analyse spatiale (comparabilité dans la même année entre différentes institutions) qui, bien qu'utile, ne représente pas le cœur de la problématique que nous souhaitons aborder.

 

Nous croyons fermement qu’un changement dans la sphère domestique (ou reproduction sociale) est essentiel pour construire un monde différent et meilleur. Dans une société qui a donné un rôle clé aux indicateurs, il nous semble qu'accompagner le lobbying d'en bas, auprès des hommes et des femmes, pour un véritable partage du temps au sein de la sphère domestique, afin que l'homme prenne sa part de responsabilité et se libère du temps aux femmes, pour tout autre usage, est une proposition intéressante à discuter.
 
 
 
 
 
 
 
Annexe
Élaboration du questionnaire
 
Le questionnaire auquel nous pensons sera divisé en deux parties. Dans la première partie, nous rassemblerons toutes les descriptions démographiques socio-économiques dont nous aurons besoin pour profiler les familles. Dans le respect des règles de confidentialité, nous poserons des questions sur la composition de la cellule familiale (sexe, âge, taille) ; la situation de travail; la situation financière; une photographie du couple (ex. : durée). En général, dans cette première partie du questionnaire, nous inclurons toutes les variables dont nous avons besoin pour répondre aux hypothèses de recherche mentionnées dans l'article.
 
Dans la deuxième partie du questionnaire nous poserons plutôt des questions relatives aux périmètres et aux catégories d'activités qui y seront incluses. Nous ne pouvons pas dire avec certitude pour l’instant quelles seront ces variables, étant donné que, comme mentionné, elles feront l’objet de négociations entre les contreparties.
 
Tout au long du questionnaire, les questions seront fermées et catégoriques. Fermé car nous ne voulons pas laisser de place à l'interprétation des interviewés et des enquêteurs. Catégorique car le travail d’analyse ultérieur sera plus facile.
 
Les entretiens seront réalisés en face-à-face à l'aide de tablettes pour la collecte de données. Les entretiens seront réalisés avec les deux partenaires du couple, séparément afin de réduire les possibilités d'influence mutuelle.
 
La sélection de l'échantillon dépendra de l'univers de l'échantillon et sera généralement stratifiée par catégories d'intérêt.

 

 



[1] Le groupe de travail est composé par : Paolo Groppo, FAO (R), Membro di Ecofemminismo e Sostenibilità; Marco D’Errico, FAO Economista; Charlotte Groppo, CIO, Head of Gender Equality, Diversity and Inclusion; Clara Park, FAO Senior Gender officer; Costanza Hermanin, Analista Politico, European University Institute, Firenze; Francesca Lazzari, Consigliere di Parità, Provincia di Vicenza; Marco De Gaetano, Economista, Consulente indipendente; Sophia Los, Architetto; Roberto De Marchi, Agronomo; Maria Paola Rizzo, FAO Land Tenure expert; Laura Cima, Ecofemminista)

[2] https://unric.org/it/obiettivo-5-raggiungere-luguaglianza-di-genere-ed-emancipare-tutte-le-donne-e-le-ragazze/

[3] Héritier-Augé, Françoise, et Pascale Molinier, 2014. La valence différentielle des sexes, création de l’esprit humain archaïque, Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 17, no. 1, pp. 167-176

[4] https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd4-veiller-a-ce-que-tous-puissent-suivre-une-education-de-qualite-dans-des?

[5] Sartori, Diana, 2004. Donne e uomini tra pubblico e privato in Gender studies e metodologia del discorso filosofico: radici, profili ed effetti dei dualismi nella tradizione filosofica occidentale, ITC, Trento

[6] https://www.fiduciaeconvenienza.it/news/notizie--curiosita/803-parit-di-genere-in-casa-in-italia-mica-tanto

[7] https://www.nonsprecare.it/lavori-di-casa-e-se-li-dividessimo-tra-uomo-e-donna

[8] Observatoire des inégalités, 2020. Le partage des tâches domestiques et familiales ne progresse pas - https://www.inegalites.fr/Le-partage-des-taches-domestiques-et-familiales-ne-progresse-pas

[9] https://www.open.online/2023/05/20/spagna-app-parita-genere-faccende-domestiche/

[10] FAO, 2023. The status of women in agrifood systems, Roma

[11] FAO, Ibid.

[12] Weeks, Ana Catalano, 2022. The Political Consequences of the Mental Load (https://scholar.harvard.edu/files/anacweeks/files/weeks_ml_oct22.pdf)

[13] Groppo Paolo et al., 2023. The evolution of a negotiated territorial approach, in Corso di pubblicazione

[14] Dalla Costa, Mariarosa, 1972. Potere femminile e sovversione sociale. Marsilio, Padova

[15] Collettivo Internazionale Femminista, Comunicato del Collettivo Internazionale femminista, Padova, Italia, luglio 1972, in «Quaderni di Lotta Femminista», n. 2, Il personale è politico, Musolini Editore, Torino 1973, pp. 7-8.

[16] Fortunati Leopoldina, 2020. La sfera domestica. Comune-info.net -  https://comune-info.net/la-sfera-domestica/

[17] Razavi Shahra, 2009. Engendering the political economy of agrarian change. The Journal of Peasant Studies 36(1): 197–226. 

[18] Molyneux, Maxime, 2006. Mothers at the Service of the New Poverty Agenda: Progresa/Oportunidades, Mexico’s Conditional Transfer Programme. Social Policy and Administration 40(4): 425–449.

[19] Razavi Shahra, 2007. The Political and Social Economy of Care in a Development Context: Conceptual Issues, Research Questions and Policy Options. Paper Number 3, Gender and Development Programme. Geneva: United Nations Research Institute for Social Development

[20] Srishti, Khare, 2021. Women And Time Poverty: Time Creates A Gender Gap That Disadvantages Women, Feminism in India, https://feminisminindia.com/2021/07/15/women-and-time-poverty-time-creates-a-gender-gap-that-disadvantages-women/

[21] Fortunati, ibid.

[22] Unión de Trabajadores de la Tierra, 2019. Primer encuentro nacional de mujeres trabaja- doras de la tierra, (https://uniondetrabajadoresdelatierra.com.ar/2019/10/15/

primer-encuentro-nacional-de-mujeres-trabajadoras-de-la-tierra-utt/).

[23] Agostino Ana, 2015. Climate Justice and Women’s Agency: Voicing Other Ways of Doing Things. In: Baksh-Soodeen R and Harcourt W (eds) The Oxford Handbook of Transnational Feminist Movements. New York, NY: Oxford University Press, pp. 815–852.

[24] Elson Diane, 1998. The Economic, the Political and the Domestic: Businesses, States and Households in the Organisation of Production, New Political Economy, Vol. 3, No.2 

[25] Demazière Didier, Araujo Guimarães Nadya, Hirata Helena et al., 2013. Être chômeur à Paris, São Paulo, Tokyo. Une méthode de comparaison internationale. Presses de Sciences Po, « Académique »

[26] Avril Christelle, Cartier Marie, 2019. Genre et classes populaires au travail. Open Edition Journals, Vol. 61 - n° 3 | Juillet-Septembre

[27] CFS of the UN, October 2023. Voluntary Guidelines on Gender Equality and Women’s and Girls’ Empowerment in the Context of Food Security and Nutrition (https://www.fao.org/3/nn162en/nn162en.pdf)

[28] Srishti, Ibid.

[29] Barigozzi, Francesca; Di Timoteo, Cesare e Monfardini Chiara, 2020. Quell’uso del tempo che divide donne e uomini. LaVoce.info

[30] CFS of the UN. March 2023. Voluntary Guidelines o. cit., section 3.8 Recognition, reduction and redistribution of unpaid care and domestic work

[31] Comme le souligne Jessica Horn : « Le féminisme continue d’être stigmatisé au sein des mouvements sociaux qui refusent de s’attaquer aux déséquilibres dans les relations de pouvoir et aux questions d’égalité et de non-discrimination. » Entretien avec Gilda Parducci, Yanira Argueta, Emely Flores et Margarita Fernández, militantes du Salvador, par Patricia Ardòn, dans BRIDGE, 2013. Género y movimientos sociales, informae general.

 

[32] https://eige.europa.eu/gender-equality-index/2022

[33] Rodsky, Eve, 2019.  Fair Play - Share the mental load, rebalance your relationship and transform your life

[34] https://www.istat.it/it/files//2011/01/testointegrale201011101.pdf

[35] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2123967#titre-bloc-3

[36] Weeks, Ana Catalano, 2022. The Political Consequences … op. cit. e Daminger, Allison et al., 2019. The Cognitive Dimension of Household Labor, American Sociological Review Vol. 84 Issue 4

[37] Nous conseillons la lecture de la BD de Emma, Fallait demander - Un autre regard Tome 2 (https://emmaclit.com/2017/05/09/repartition-des-taches-hommes-femmes/) avec un chapitre spécifique sur la charge mentale 

[38] Il existe la possibilité qu'une activité x (ou un indicateur i) soit partiellement réalisée par les deux membres du binôme. C'est l'un des aspects les plus intéressants de la collecte de données, car il permettra d'évaluer l'auto-attribution des compétences et des activités. Il faudra ensuite calculer la moyenne des réponses des deux partenaires pour arriver à un résultat exempt de distorsions.

 

[39] Dalla Costa, M., 1972. op. cit.