Dans le passé, plusieurs gouvernements ont déjà essayé de lancer une réforme agraire pour régler une bonne fois pour toute la question de la propriété de la terre en Haïti.
S.Schüller/RFI
(http://www.rfi.fr/contenu/20100512-reforme-agraire-agriculture-haiti-tremblement-de-terre-quatre-mois-apres)
Quatre mois après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti, l'agriculture est devenue l'un des axes prioritaires du gouvernement pour la reconstruction du pays. Il s'agit de relancer la production agricole afin de nourrir la population et de créer des emplois, car 60 % de la population haïtienne vit en milieu rural. Mais pour remettre en marche d'une manière durable le secteur agricole, il faut s'attaquer à un problème majeur: le système foncier qui prévaut en Haïti.
Depuis le tremblement de terre, Haïti bénéficie d’un élan sans précédent de la communauté internationale. Au ministère de l’agriculture à Port-au-Prince, on compte bien profiter des circonstances pour attirer des investisseurs, et notamment des étrangers, dans le secteur agricole. Mais un vieux fantôme hante les esprits : la problématique du système foncier. Il est en effet difficile de savoir avec exactitude qui possède les terres arables dans le pays.
« L'agriculture haïtienne n'est que paysanne, mais la paysannerie ne possède pas nécessairement la terre », explique Gérald Mathurin, ancien ministre de l'Agriculture et aujourd’hui coordinateur du CROS, un mouvement social et régional du sud-est d'Haïti. « Dans la plupart du temps, la terre appartient aux grandes familles et à la classe historique de pouvoir d’Etat. Les paysans travaillent une terre qui n’est pas la leur. Ils sont par conséquence dans l’incapacité de projeter une production sur le moyen et le long terme ».
L’insécurité foncière : un mal chronique d’Haïti
En Haïti, le système foncier est régulé par des lois, mais celles-ci ne sont pas respectées. Souvent des transactions ou les héritages ne sont pas enregistrées. Il existe des reçus d'acquisition du terrain pour 19 % seulement des parcelles rurales, sans parler des documents qui ont été détruits lors du tremblement de terre du 12 janvier dernier. La même anarchie règne sur le marché de la location. Les contrats sont la plupart du temps informels. Beaucoup de paysans concluent des accords de métayage. C'est-à-dire qu'ils doivent céder la moitié de leur récolte au propriétaire terrien.
Ari Toubi Ibrahim
Représentant de la FAO en Haïti
Les paysans se trouvent souvent dans une situation de métayage. Le gouvernement doit enclencher un processus afin de sortir de cette situation.
« Haïti compte de très grandes plaines qui ne sont malheureusement pas bien exploitées, parce que les gens ne veulent pas investir », constate Ari Toubo Ibrahim, le représentant de la FAO en Haïti. « Des paysans avec leur petits moyens se trouvent souvent dans une situation de métayage. Tout cela ne permet pas une agriculture durable. Pour les Nations Unis c’est une réelle préoccupation. Dans une nouvelle politique agricole, le gouvernement doit s’attaquer sérieusement à ce chantier de la question foncière. En tant que partenaires techniques et financiers, nous avons besoin de voir ce pays enclencher un processus pour sortir définitivement de cette situation »
Des tentatives de réformes agraires avortées
Dans le passé, plusieurs gouvernements ont déjà essayé de lancer une réforme agraire pour régler une bonne fois pour toute la question de la propriété de la terre en Haïti. La dernière tentative en date était celle dans les années 1990 du premier gouvernement de René Préval, dont Gérald Mathurin était le ministre de l’Agriculture. Mais toutes ces tentatives sont restées vaines pour l'instant.
Gérald Mathurin
Ancien ministre de l’agriculture, coordinateur du CROS
A l’époque, nous avions fait des choix : confiscation de la terre et résolution des conflits en faveur des familles paysannes. Mais les vieux fantômes politique ont ressurgi et cassé le processus.
Conscient du caractère plus que sensible de la question foncière, où s'affrontent depuis des siècles les intérêts des paysans d'un côté et des grands propriétaires terriens de l'autre, le gouvernement actuel a décidé d'avancer avec prudence. « Il n’est aujourd’hui pas question de rentrer dans une dynamique de réforme agraire fondamentale liée à un système de distribution de terre », affirme le ministre haïtien de l'Agriculture, Joanas Gué. « Nous avons plutôt opté pour une politique qui vise à sécuriser les espaces cultivables ».
La nécessité d’une garantie pour les investisseurs
Le gouvernement haïtien a tout d'abord identifié trois zones géographiques avec un fort potentiel de production agraire : une région au Nord d'Haïti, une au Centre et une qui concerne la presqu'île du Sud. « La majeure partie de ces terres sont des terres du domaine privé », explique Joanas Gué. « Pour ces terrains-là, nous voulons élaborer une loi cadre qui devrait garantir aux exploitants de pouvoir jouir de ces espaces pour pouvoir faire des investissements sur le long terme ».
Au lieu de prendre possession des terres arables pour les redistribuer ensuite, tel que cela a été fait lors des tentatives de réformes agraires avortées, l'Etat veut cette fois fixer un cadre légal qui devrait permettre aux exploitants de conclure des accords durables avec les propriétaires. Et pour le gouvernement, ces exploitants ne sont plus seulement les paysans haïtiens.
Joanas Gué
Ministre haïtien de l’Agriculture
La question de la sécurité agro-foncière est fondamentale. Sans cette sécurité on ne peut pas prétendre attirer des investissements privés dans le secteur agricole.
« Il faut que l'agriculture haïtienne soit productive et compétitive. Il faut passer d'une agriculture familiale de subsistance à une agriculture entrepreneuriale », estime le ministre de l’Agriculture. « Donc notre gouvernement doit agir sur les deux leviers: d’un côté, il faut renforcer et encadrer l'agriculture familiale pour la production alimentaire des ménages. D’ l’autre il faut qu'il y ait aussi de grands investisseurs qui puissent exploiter des grandes espaces afin de dégager de volumes de production qui puissent adresser des marchés de proximité, des marchés nationaux et des marchés d'exportation ».
L’enjeu est de taille. Si les paysans ne trouvent pas leur place dans cette nouvelle politique agraire du gouvernement, le résultat est connu d'avance: il y aura alors un nouvel exode rural vers Port-au-Prince et sa région, qui reste très exposée aux tremblements de terre.
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