giovedì 7 gennaio 2010
dal blog di Colette Braeckman : Ruée vers les terres “libres” d’Afrique
La conférence de Copenhague a rappelé que nous vivions dans un monde fini, que les ressources de la planète étaient limitées. La crise alimentaire mondiale, les nouveaux besoins des pays émergents qui consomment plus de viande que dans le passé, l’engouement pour les biocarburants, ont soudain aiguisé l’appétit pour les terres cultivables encore disponibles.
Alors que la population mondiale a triplé depuis 1945, la production de céréales ne cesse de chuter : en 1999, les réserves mondiales de grains pouvaient assurer 116 jours de nourriture, mais en 2006, ce chiffre était descendu à 56 jours…Pour les nombreux pays importateurs de produits alimentaires, l’accès à des terres cultivables permettant d’assurer l’approvisionnement de leur population apparaît donc comme un enjeu vital.
L’Europe étant saturée et 95% des terres d’Asie étant déjà mises en exploitation, c’est vers l’Amérique latine et surtout vers l’Afrique que se dirigent désormais les acheteurs potentiels. La perception générale est qu’au sud du Sahara, les terres sont abondantes et encore largement inexploitées, que le climat est favorable, la main d’œuvre bon marché et surtout que le prix des terres disponibles demeure exceptionnellement bas. Au cours des trois dernières années, entre 15 et 20 millions d’hectares, soit l’équivalent de toutes les terres cultivables en France, ont été soumis à des transactions foncières et la FAO considère que d’ici 2030, une superficie totale équivalent à une fois la France ou un tiers de l’Inde aura changé de mains…
C’est à Madagascar que le phénomène des achats de terres a soudain défrayé la chronique. Début 2009 il est apparu que la société sud coréenne Daewoo avait acquis, pour une durée de 99 ans, des terres couvrant une superficie de 1,3 millions d’hectares. Cette transaction heurta vivement une opinion publique jusque là assez passive, parce que parmi les terres mises en vente, se trouvaient des zones affectées à la sépulture des ancêtres ! Les manifestations prirent rapidement un tour politique, menant finalement à la chute du président Marc Ravalomanana, qui fut remplacé par Andry Rajoelin. Ce dernier, dès sa prise de pouvoir, annula l’accord signé avec Daewoo. Le nouveau chef de l’Etat biffa également une autre transaction, qui portait sur la cession de 450.000 hectares à la société indienne Varun International. Cette dernière avait l’intention de produire à Madagascar du riz destiné à la consommation intérieure en Inde.
Sur le continent, le Soudan est l’un des pays les plus visés par les achats de terre : la Corée du Sud y a acheté 690.000 hectares afin d’y cultiver du blé, les Emirats arabes unis ont investi sur une superficie de 378.000 hectares afin de produire du maïs, de l’alfafa, des pommes de terre et des haricots. Selon certains observateurs, cette compétition pour les terres soudanaises serait l’une des causes de la guerre du Darfour, où la population a été expulsée de ses territoires traditionnels, obligée de vivre dans des camps de réfugiés tandis que les terres abandonnées ont été investies par d’autres occupants…
Considéré comme un grenier à blé potentiel pour les pays du Golfe, le Soudan est aussi le troisième partenaire commercial de la Chine, avec un volume de transactions commerciales s’élevant à 8,8 milliards de dollars. Mais la Chine ne se contente pas d’exploiter les champs pétroliers : au cours d’un forum sino-soudanais pour la coopération agricole qui s’est tenu à Khartoum en juin dernier, les deux pays ont décidé d’intensifier leur coopération agricole et la Chine s’est engagée à apporter au Soudan des capitaux, des systèmes d’irrigation, des routes, de la technologie.
Parmi les pays les plus désireux d’acquérir des terres agricoles en Afrique figurent les pays du Golfe. L’Arabie Saoudite a acheté 500.000 hectares en Tanzanie ; au Kenya, le Qatar veut exploiter 40.000 hectares de terres dans la vallée de la rivière Tana en échange de la construction d’un port en eau profonde sur l’île voisine de Lamu.
L’Inde et la Chine, des pays surpeuplés et en pleine expansion, lorgnent également vers les terres disponibles sur le continent noir : en Ethiopie, des entreprises indiennes ont investi 1,5 milliards de dollars dans des projets agricoles afin de pouvoir nourrir leur propre population ainsi que des animaux. En Zambie, la Chine négocie l’accès à deux millions d’hectares pour y cultiver du jatropha (une plante utilisée dans la production de bio carburants) tandis que Dubai souhaite produire dans ce pays du riz et du blé.
Le ministre zambien de l’agriculture Brian Chituwo a déclaré à l’agence Reuters qu’il ne s’opposait pas à de telles transactions : « nous n’utilisons que 14% de nos terres disponibles, et il nous reste 900.000 hectares de terres cultivables… Pourquoi ne pas en tirer profit en nous lançant dans des joint ventures avec des sociétés étrangères, auxquelles participeraient aussi nos petits fermiers ? » Très ouverte aux investissements étrangers, la Zambie a déjà accueilli dans le passé des agriculteurs venus d’Afrique du Sud et du Zimbabwe et des fermiers chinois se sont déjà installés dans le pays.
Face à cette irruption de nouveaux partenaires en Afrique, les environnementalistes multiplient les mises en garde, mais dans des pays comme le Kenya ou la Zambie, les autorités rappellent volontiers qu’à l’époque coloniale les colons venus d’Europe s’étaient approprié les meilleures terres du pays, tandis que le mouvement social est divisé. Certains écologistes s’efforcent de faire annuler les contrats et vont jusqu’à vouloir chasser les paysans locaux de certaines zones, afin de protéger la faune locale et de pouvoir développer les parcs naturels…
Une nouvelle tendance alarme particulièrement Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation : les pays riches ne cherchent pas seulement à assurer leur propre sécurité alimentaire, ils se lancent dans la spéculation sur les terres disponibles et surtout, ils souhaitent développer en Afrique la production de bio carburant, espérant bénéficier en cela d’incitants fiscaux. Le chercheur français Alain Karsenty dénonce pour sa part le « néocolonialisme agraire » et redoute que les forêts tropicales, réserves foncières potentielles, ne soient transformées en pâturages ou en réserves d’éthanol.
Même si Olivier de Schutter dénonce le recours au biocarburant comme une « fausse bonne idée », les Européens vont de l’avant : au Soudan, le responsable du groupe sucrier Kenana (propriété du gouvernement soudanais et de fonds arabes) vient de faire savoir qu’une première cargaison de cinq millions de litres d’ethanol, pour une valeur de 3,3millions de dollars, venait de partir en direction de Rotterdam d’où elle sera vendue au sein de l’Union européenne. Au départ de la canne à sucre, l’éthanol a été produit dans une usine située dans l’Etat du Nil blanc, à 250 km au sud de Khartoum. En juin dernier, le président soudanais Omar el-Béchir, inaugurant un vaste programme de transformation de canne à sucre en bio carburant, avait confirmé que son pays a pour ambition de devenir le leader mondial de la production de l’ethanol et le groupe Kenana envisage de faire passer sa production à 200 millions de litres d’ici trois ans.
En République démocratique du Congo, selon l’ONG GRAIN, près de six millions d’hectares de terres agricoles auraient été concédées à des entreprises étrangères et la Chine aurait le projet de remettre en activité les anciennes plantations de palmiers à huile pour y produire elle aussi des biocarburants.
Cette faim de terres, qui pousse les pays riches à délocaliser leur sécurité alimentaire, la faisant reposer sur d’autres régions du monde, inquiète Olivier de Schutter. Il relève qu’en Afrique sub saharienne, les droits d’usage des terres ne sont jamais réellement sécurisés et que, si elles ne tiennent pas compte des populations locales, les acquisitions de terres pourraient à l’avenir générer de graves conflits. Il souligne aussi que les droits des pasteurs sont particulièrement négligés, alors que les populations qui nomadisent sur des terres considérées comme « vides » sont au nombre de sept millions en Somalie et en Ethiopie, de quatre millions au Soudan…
Plaidant pour que le droit des peuples indigènes soit pris en compte, que les communautés locales soient consultées, le rapporteur spécial de l’ONU souligne aussi que cet accaparement des dernières terres disponibles est aussi le résultat de l’échec global des politiques agricoles : dans les pays du Sud, les investissements dans le domaine agricole ont été insuffisants ou non durables et surtout, dans les pays riches, l’agriculture intensive a épuisé le sol et asséché les nappes aquifères. Et de conclure qu’avant même de chercher à réguler les achats de terres, il faudrait se demander pourquoi on en est arrivé à considérer une telle éventualité comme une option souhaitable…
http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2009/12/28/ruee-vers-les-terres-libres-dafrique/
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